La Pie-grièche grise est l’un des espèces de passereaux les plus menacées de France. Son aire de répartition s’est largement contractée ces dernières années. La population nationale est estimée en 2010 à moins de 1 000 couples dont 80 % localisés sur le Massif central.
La Pie-grièche grise est un oiseau des milieux agricoles ouverts destinés à l’élevage, principalement des prairies permanentes utilisées pour le pâturage et la fauche. Ces milieux sont pourvus de haies arbustives, de bosquets et d’arbres constituant avec les piquets de clôture autant de perchoirs. Son territoire en période de nidification est de 20 à 100 ha dont le territoire de chasse à proprement dit représente 20 à 50%. Son alimentation repose principalement sur les insectes de bonne taille et les micromammifères : bourdons, campagnols des champs (proie principale en biomasse), lézards, grillons. La Pie-grièche grise embroche régulièrement des proies sur les fils barbelés constituant ainsi des réserves.
La formation des couples et les parades ont lieu à partir de février jusqu’en avril, période pendant laquelle le couple effectue régulièrement le tour du territoire choisi. La ponte est déposée entre le 10 et le 20 avril dans un nid situé entre 5 et 15 m dans différentes essences d’arbres dont la plus utilisée, dans notre région, est l’aubépine. L’incubation dure 15 jours en moyenne, les jeunes quittent le nid 19 à 20 jours plus tard et sont nourris pendant quelque temps par les parents avant de se disperser à la fin de juillet.
En Auvergne, les dernières études indiquent une densité moyenne de 0,23 couple par km² sur les secteurs étudiés et une production moyenne de 2,6 jeunes par couple reproducteur, conforme aux moyennes constatées par ailleurs.
L’aire de répartition est plus large en hiver, avec des territoires occupés uniquement pendant cette période. Il est difficile d’affirmer que l’espèce est relativement sédentaire en Auvergne, car il est probable qu’une partie des nicheurs descende hiverner plus au sud et que les effectifs locaux sont renforcés en hiver par des apports extérieurs venant de contrées plus nordiques ou orientales.
Les raisons de l’effondrement de ses populations françaises correspondent certainement à un faisceau de facteurs, encore mal maîtrisés aujourd’hui, tels que les évolutions climatiques, le changement des pratiques agricoles impactant le paysage, la quantité de nourriture disponible et l’empoisonnement via les proies consommées. Le Massif central a un rôle primordial à jouer dans l’évolution de la population de la Pie-grièche grise. La baisse des fourchettes de couples est régulière depuis plusieurs années (Gilbert B. et al. - Le Grand-Duc 75) :
en 1993 entre 830 et 2 150 couples
2007-2008 entre 600 et 1 000 couples
2010-2011 entre 300 et 850 couples
La répartition sur les quatre départements auvergnats est hétérogène ; elle a pratiquement disparu du département de l’Allier et dans le reste de l’Auvergne, elle occupe maintenant les zones au-delà de 800 m d’altitude. La figure ci-dessous, extraite de Faune-Auvergne, montre une inversion altitudinale lors des trois dernières décénies. Cette tendance est à rapprocher avec l’évolution des pratiques agricoles, à savoir intensification et spécialisation, et la contraction des zones d’élevage au profit de la culture des céréales.
Figure 1 : Inversion altitudinale des observations de Pie-grièche grise
de la décennie 1990-1999 à la décennie 2000-2009

La mobilisation des observateurs vers cette espèce se traduisant par une augmentation régulière du nombre annuel de données de Pie-grièche grise rend difficile la lecture de l’évolution de la population auvergnate ces trois dernières années. L’enquête en cours sur le Parc naturel du Livradois-Forez renforce, en attendant le bilan à venir, cependant la perception d’une érosion continue des effectifs.
Pour conclure, la Pie-grièche grise, oiseau sédentaire et tributaire des mêmes milieux que le Milan royal, est un excellent indicateur de la qualité écologique des milieux agricoles. Si aujourd’hui, des critères objectifs et visibles permettent d’appréhender certains facteurs négatifs, d’autres invisibles ou mal maîtrisés, à défaut d’études spécialisées et de moyens associés, continuent d’œuvrer vers une érosion continue des populations de Pie-grièche grise. Plus que jamais, son sort est étroitement lié à l’évolution des pratiques agricoles dans les prochaines années.
Texte: Gilles Saulas - déc.2013

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